Le temps qu'il reste
Publié le 1 Septembre 2009
Film français, palestinien d’Elia Suleiman – 1h45 - avec Saleh Bakri, Yasmine Haj, Leila Muammar, Elia Suleiman
Donc, le troisième film d’Elia Suleiman porte pour sous-titre Chronique d’une présence-absence. De la part d’un cinéaste qui manie l’art de la concision, on peut y lire quelque chose
comme un programme ; retourner en guise d’autoportrait ces mêmes mots qui servent à désigner sinon à banaliser un état de fait politique et un drame humain qui dure depuis 1948, tenter sur un
contrepied de pouvoir se dire, faire rejoindre une nation (absente), une terre (perdue), une famille (la sienne) et un art (le sien).
Pourtant, pas une seconde son cinéma ne porte le poids de l’étendard. Pas une fois il n’est pris en flagrant délit de didactisme. Cela semble facile à dire comme cela, qu’il existe en Palestine
un très grand cinéaste qui raconte son pays en faisant seulement comme si Jacques Tati était son principal interlocuteur (de fait, ils parlent la même langue : celle des grands aphasiques).
Ce film-là a la forme d’un regard, d’un regard de très longue portée : un œil posé sur le passé (1948-1970 : la Palestine en exil d’elle-même), l’autre sur aujourd’hui. Suleiman est un
équilibriste. Il avance dans le vide, sur le fil du rasoir. Qu’il se soit mis en scène ici en perchiste, dans une séquence d’anthologie où il survole le mur de la honte, en dit long sur
l’inconscient aérien qui habite son art, quasi volatile, sa façon de se jouer des espaces, d’ignorer les obstacles.
Libération